Cet interview provient d’un ancien numéro du magazine allemand « Budo Karate » au début des années 2000. Lok Yiu y parle de son entraînement mais aussi de l’avenir de cet art martial.
D’autres ressources :
- La diffusion du Wing Chun à Hong-Kong, par Maître Lok Yiu
- Interview de maître Lok Yiu à propos de la tradition chinoise et les cours de Ip Man dans les années 50
- Hommage de Chu Chong Tin à Yip Man et ses deux premiers élèves hong-kongais : Lok Yiu et Leung Sheung
Maître Lok Yiu, tout d’abord félicitations pour votre 80ème anniversaire. Quel serait votre plus grand souhait pour ce jour ?
D’abord et avant tout la santé et le bonheur. En ce qui concerne le Wing Chun, je suis heureux qu’il y ait autant d’adeptes enthousiastes de notre style en Europe. Ce serait bien si son développement continuait si bien et que dans les prochaines années, encore plus d’élèves de mon To-Dai Wai Lam (Wilhelm Blech) venaient me voir, moi et ma famille, à Hong Kong. C’est toujours un plaisir pour moi de voir mes « petits-enfants » (élèves) et leurs progrès.
Avec vos 80 ans, vous être toujours frais et vif comme un jeune homme. C’est grâce au Wing Chun ?
(rires) Ça doit être ça. Je n’ai jamais négligé ma formation depuis le début. Je m’entraîne depuis plus de 50 ans.
Si vous regardez en arrière, à l’époque où vous étiez encore vous-même un étudiant du Grand Maître Yip Man, comment évaluez-vous le développement du style depuis lors ? Y a-t-il un changement dans l’enseignement aujourd’hui ? Les jeunes s’entraînent-ils différemment aujourd’hui ?
Les temps ont changé, c’est sûr. Quand j’ai appris de mon Si-Fu Yip Man, l’entraînement était extrêmement difficile. Je me suis entraîné de tout mon cœur et de toute mon énergie. Après tout, c’était à nous, à l’époque, d’établir le Wing Chun à Hong Kong. Nous avons réussi à le faire ensemble. Aujourd’hui, le Wing Chun est connu dans le monde entier et de nombreuses personnes le pratiquent mais souvent sans grand effort. Certains pensent qu’ils peuvent acheter le Wing Chun. C’est une erreur. Tu dois le mériter. J’espère vivement que les développements positifs prévaudront. A cet égard, je suis très satisfait de mon To-Dai Wai Lam. Il fait du bon travail en Europe.
Pourquoi pensez-vous que le Wing Chun a tant de succès ?
Lok Yiu : Le Wing Chun est devenu célèbre à Hong Kong grâce à de vrais combats. Beaucoup ont compris que le Wing Chun est un style qui convient vraiment au combat. Bien sûr, Bruce Lee a aussi fait beaucoup pour la diffusion du Wing Chun. D’autres enseignants ont également fait leur part. C’est bien que d’autres styles de Kung Fu aient aussi trouvé leurs adeptes dans le monde entier.
Quelles sont les caractéristiques les plus remarquables du Wing Chun ?
Une question intéressante. Le Chi Sau est le cœur et l’âme du Wing Chun. Il est important d’avoir le sentiment d’utiliser l’ensemble du corps, tout en maintenant toujours la souplesse et la stabilité dans tous les mouvements. Il y a des méthodes d’entraînement spéciales que mon Si-Fu a enseigné à certains de ses élèves.
La simultanéité et la pondération égale de tous les mouvements nécessaires, y compris l’attaque et la défense, est également un point important.
Un bon Wing Chun ne peut être atteint que par un travail de base très solide. Et la base est aussi la clé du Wing Chun. Seul celui qui l’a bien compris et l’a pratiqué correctement et avec persévérance peut vraiment apprendre le Wing Chun.
Votre étudiant Wilhelm Blech est venu vous voir pour la première fois il y a environ dix ans. Êtes-vous satisfait du développement du Lok Yiu Wing Chun en Europe ?
Quand Wai Lam est venu me voir pour la première fois, j’ai été prudent, bien sûr. Je ne le connaissais pas et je n’avais presque jamais eu de contact avec des non-Chinois auparavant. Mais après un certain temps d’apprentissage, j’ai réalisé que le Wing Chun est aussi proche de son cœur qu’il l’est du mien. J’en ai ensuite parlé à ma famille et je l’ai finalement accepté dans ma famille puis je lui ai enseigné. Il est mon To-Dai depuis dix ans maintenant. Je ne regrette pas ma décision. Je ne veux pas abuser de félicitations mais je suis très fier de lui. Il a beaucoup fait pour la diffusion du Wing Chun en Europe. Quand ses étudiants viennent me voir, je vois bien ce qu’il leur offre.
Quel conseil donneriez-vous à un débutant du Wing Chun ?
Avant de choisir un professeur, vous devriez apprendre à le connaître et savoir où et de qui il a appris. Vous devez aussi lui faire confiance. Sans la base humaine, on ne peut pas apprendre d’un humain.
Vous ne devriez jamais oublier de qui vous avez appris. Et vous devriez aussi respecter vos camarades de classe et aider les plus jeunes. Surtout pour nous, Chinois, la tradition d’honorer et de respecter nos ancêtres est importante, et cela s’applique aussi à notre famille de Kung Fu.
Vous ne devriez utiliser votre Wing Chun que pour vous défendre.